Une cinquantaine de gamins furieux ça dépote, ça envoie du lourd. Qui veut animer la rue, doit se tenir prêt. Une attitude trop permissive conduit à se faire déborder. Une attitude trop autoritaire ne leur permet pas de tomber les masques.

Ils sont en quête d'adultes présents, disponibles, droits dans leurs bottes, intransigeants, qui ne cèdent pas, pardonnent et surtout reviennent. Les rapports à l'autorité comportent inévitablement une part absurde. La raison et la morale ne peuvent rien sur ce terrain. On leur refuse du feu pour allumer leurs pétards ? Qu'à cela ne tienne, ils reviendront fièrement avec une cigarette ! Une seule chose à faire : admettre que certaines forces nous dépassent et composer avec elles.

Atelier d'écriture. Ils ont accepté de participer, sauf qu'ils refusent de tenir un stylo. Quelque chose, peut-être, fait barrage à l'intime qui pourrait s'infiltrer dans l'écrit. Je prendrai donc des notes. Un premier se lance : « Bogosse est dans une caisse de sport avec une bonne meuf. Elle est déjà avec un mec. Mais le mec est moins beau et moins riche que lui. Son mec lui a acheté une Porsche, alors Bogosse lui offrira une Maserati. Il défait son pantalon, elle dit qu'elle n'a jamais vu un beau gosse comme lui. » Après l'atelier il viendra me voir : « C'est bien votre truc où l'on peut raconter qui on voudrait être ».

Tout est là, déjà dit, à la surface. Je me demande pourquoi personne, sauf moi, n'en est saisi ?

Vincent Bernard
Écrivain, animateur de rue
Metz