Le réel est sans âge, mais chaque époque lui donne un nom. Nous découvrons la version sans loi du réel dans des incarnations protéiformes de la jouissance de plus en plus crues.

Zygmunt Bauman, sociologue contemporain, donne une figure du réel au XXIe siècle : la liquidité. Il questionne l'engouement sans limite pour des relations d'autant plus étranges qu'elles se plient aux conventions normatives de notre époque. Elles vont dans les sens de « l'éphémère », d'un versant « liquide » de la relation qu'internet autorise singulièrement.

Au moment du procès d'Armin Meiwes en Allemagne, premier homme connu pour avoir cherché et trouvé, via internet, des partenaires d'accord pour se faire manger cru ou cuit, Z. Bauman parlait d'amour liquide.Or, un scandale récent secoue de nouveau ce pays : des adeptes du cannibalisme humain twittent sur la toile.

Nous ne saurions pas ici choisir entre la fascination et la répulsion. Deux tabous sont si archaïques qu'aucune loi religieuse ne les a écrits dans aucun livre sacré : l'inceste mère / fils et le cannibalisme. Si l'interdit renvoie au désir, il nous faut admettre qu'il y a de l'imparlable, signe du réel qui insiste.

Ces expériences in extremis sont des « mirages de la vérité »[1] qui nous font croire que l'on pourrait saisir l'inventivité de nouveaux modes de jouissance. Elles ne sont, au bout du compte, qu'une nouvelle forme de L'avenir d'une illusion.

Nicole Borie
ECF, Lyon