Un réel pour le XXI sciècle
WORLD ASSOCIATION OF PSYCHOANALYSIS
IXth Congress of the WAP • 14-18 april 2014 • Paris • Palais des Congrès • www.wapol.org

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Christiane Alberti
Interview on the theme « A Real for the XXIst Century »
realizada por Anaëlle Lebovits-Quenehen

Anaëlle Lebovits-Quenehen : Comment entendez-vous ce titre, « Un réel pour le XXIe siècle ? »

Christiane Alberti : C'est un titre qui plaît, qui percute celui qui le lit car il touche les sujets contemporains. Il fait en effet valoir qu'il y a une varité du réel que l'on repère notamment aujourd'hui à travers la dissolution des semblants.

A. L.-Q. : Pouvez-vous nous donner un exemple de cette vacillation actuelle des semblants ?

C. A. : La différence sexuelle : la différence homme-femme est totalement chamboulée, et la maternité est revue à partir de ce qu'on appelle maintenant des « techno-corps ». Le propos inouï de Lacan, disant que le plan de séparation ne passe pas entre la mère et l'enfant mais entre le sein et la mère, apparait d'autant plus vrai au XXIe siècle.

A. L.-Q. : Il y aurait donc, dans le rapport que les sujets entretiennent aujourd'hui avec le réel, quelque chose de particulièrement perceptible, à la fois dans la répartition des rôles homme-femme, mais aussi dans la maternité. D'ailleurs, cela recouvre-t-il exactement la même chose, la façon dont on incarne l'homme ou la femme, et la façon dont on est mère ?

C. A. : Il y a un bouleversement au niveau des semblants et des fictions qui touche les signifiants homme, femme, mère. Il me semble donc que la question d'être mère doit être revue à l'aune de cette quasi-dissolution de la différence des sexes.

A. L.-Q. : Un père peut-il être une mère ?

C. A. : Les pères sont des mères comme les autres ! Dans son « Discours aux catholiques », Lacan affirmait ainsi que Freud n'était pas dans la position d'être le père de la psychanalyse, mais plutôt dans celle d'être une mère intelligente.

A. L.-Q. : Freud en position de mère, cela indique bien que, pour Lacan, ce n'est pas le sexe anatomique qui assigne la place de père ou de mère. Les pères sont des mères comme les autres et, inversement, les mères peuvent aussi être des pères comme les autres. Ces fictions changent, mais le réel qu'elles indexent change-t-il également ?

A. C. : Si nous prenons le réel comme ce qui se cache derrière les fictions, cela renvoie à une version du réel comme revenant toujours à la même place. Lacan subvertit cette idée d'un réel masqué derrière les fictions, invitant à s'interroger sur la continuité du semblant au réel. Il s'agit alors de faire valoir que le réel bouge, qu'il varie. Nous n'avons pas affaire au même réel au XXIe et au XXe siècle ; il y a aujourd'hui un réel dont Freud ne pouvait pas avoir idée en son temps.

A. L.-Q. : Comme Platon, vous mettez l'accent sur la participation, c'est-à-dire sur le rapport entre l'idée, le concept et le phénomène sensible. Seriez-vous d'accord pour reprendre à votre compte cette notion de participation du semblant au réel qui pourrait permettre de considérer que, si les semblants changent, ils indiquent quelque chose du côté du réel, dans la mesure où ils le traitent ?

C. A. : Oui absolument, ce terme de participation me semble bienvenu. Il y a un voisinage entre les semblants et la jouissance ; la contingence du singulier est le point où les sujets sont touchés.

A. L.-Q. : Pourrait-on ainsi dire que ce qui indique que le rapport des sujets contemporains à la jouissance s'est modifié, c'est la modification de leur rapport aux semblants ?

C. A. : Dès lors que les discours établis sont sapés dans leurs fondements, il y a évidemment un rapport plus direct, moins médiatisé, des sujets du XXIe siècle à la jouissance.

A. L.-Q. : Est-ce parce que les discours établis sont sapés dans leurs fondements que la jouissance s'exprime davantage et de façon plus crue ? Ou bien est-ce parce que la jouissance a changé que les discours n'arrivent plus à la traiter ?

C. A. : C'est un cercle. Je me réfère là à un commentaire fait par Jacques-Alain Miller sur la naissance du concept de lalangue chez Lacan, où il faisait valoir que le langage véhicule la norme. Le langage est fait de lalangue, à laquelle s'ajoute l'élément social qui la normalise. Après mai 68, il est devenu interdit d'interdire, c'est-à-dire d'utiliser l'opération de maîtrise. À partir de là, lalangue se distingue du langage. Mais d'où émerge le signifiant maître ? De la routine propre à la relation sociale, de la conversation, du lien social ? Et, s'il n'y a pas de lien social sans le signifiant maître, comment concevoir la chose ? J.-A. Miller nous apporte la réponse : c'est un cercle. Le concept de lalangue nous invite à nous servir du signifiant maître en se passant de ce qui nous servait jusqu'ici de boussole, c'est-à-dire du père.

A. L.-Q. : Le réel au XXIe siècle se révèle notamment dans ce cercle ?

C. A. : Oui, c'est une bonne définition du réel : dans le cercle et dans le siècle.

A. L.-Q. : Christiane Alberti, je vous remercie.


Transcription et édition : Damien Botté et Alice Delarue