Un réel pour le XXI sciècle
ASSOCIATION MONDIALE DE PSYCHANALYSE
IXe Congrès de l'AMP • 14-18 avril 2014 • Paris • Palais des Congrès • www.wapol.org

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AFFINITÉS
Michaël Sorne
peintre
Traces
Michaël Sorne
Michaêl Sorne. Traces 2

René Char écrivait dans La parole en archipel : « Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver. » C'est dans la recherche de ce rêve que s'inscrivent les Traces comme des lambeaux d'affiches et des inscriptions discernables à la surface des murs.

La peinture que l'on voit recouvre en fait une surface déjà peinte, viennent s'y inscrire des fragments d'écriture, des morceaux d'objets ou de plantes, des dessins, des figures géométriques, une silhouette humaine, rien n'y est explicite suivant en cela Derrida : « La trace est itinérante, elle produit sa route avec retard et se fraye un chemin qu'elle ne reconstitue qu'après coup. »[1]

J'entretiens dans mon travail un rapport particulier avec la disparition, celle du signe métaphorisant ainsi la mienne propre. C'est ainsi que rien de ce qui est écrit sur la surface du tableau ne peut se lire ou presque ; c'est dans l'indécision ouverte par ce « presque » que le tableau prend sa consistance, « l'angoisse de sa disparition irrémédiable », de « l'effacement de soi »[2] dont parle encore Derrida, se sublime en œuvre fragile, ne tenant qu'à un trait, un nuage de peinture cependant présents.

De cette disparition Perec a fait un livre où un signe disparaît, le signe E, le signe d'Eux sans doute, livrés à l'atrocité du déchaînement pulsionnel de « la Bête immonde », l'artiste est tenté de s'affronter sans cesse à la question de ce qui échappe à tout humain dans le registre du sens « sous la forme d'un abîme qui s'ouvre à l'infini d'un impossible à combler », comme l'écrit Guy Briole dans son texte d'orientation pour le congrès.

C'est ainsi toujours qu'autour d'un poème de Mallarmé, Brise marine, viennent dans les tableaux de la série qui en porte le nom, comme en contrepoint de la lassitude du poète et de l'irreprésentable de sa condition se rencontrer des formes et des couleurs. Référence aussi à l'œuvre ultime – « Le Livre » – jamais complétée, achevée, achoppant sur l'extravagante complexité du projet, butée sur le réel dont l'artiste Claire Morel a essayé, dans sa série de sérigraphies sur Mallarmé, de rendre compte en déposant sur le papier le seul poids de l'encre, réel de l'écriture, ou encore la concentration des lettres constituant l'ouvrage en une tache effilochée par des vestiges d'écriture.

Dans chaque tableau, une alternance de couleurs vives et d'autres sombres presque noires, de grands aplats et des touches rapides évoquent la complexité des sentiments de Mallarmé partagé entre son spleen et l'appel de l'exotisme, sa difficulté d'inspiration, la lutte incarnée entre l'appel de la mort et le désir de vivre, entre l'apparition de « la fée au chapeau de clarté » et la trace mnésique de l'enfance à tout jamais perdue, mais néanmoins accessible à explorer les défilés de l'inconscient.

Comme ces traces mnésiques, « retardements originels », on trouve dans les tableaux, sur la couleur et en même temps effacés par elle, des vestiges d'écriture, fragments du poème méconnaissables, à l'image du réel ou de l'irreprésentable de la condition humaine ?

Le 12 février 2014

Michaël Sorne
Michaêl Sorne. Brise marine 3
  1. Derrida J., L'écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, p. 317.
  2. Ibid., p. 339.