Scilicet… Tu peux savoir !

À l'occasion de chaque congrès de l'Association Mondiale de Psychanalyse, un volume préparatoire est élaboré. Des psychanalystes du monde entier se mettent à la tâche d'en rédiger le contenu, édité et publié dans cinq langues : le dernier comporte plus de 100 items auxquels un texte bref est consacré, d'Angoisse à Vrai, en passant par Discours capitaliste, Procréation(s) ou Geek.

Cette année, une nouveauté : les scilitwitts, des textes ultracourts, rapides, vifs, qui abordent les thèmes de la modernité afin d'éclairer notre siècle. En voici quelques extraits.

« Présentation du thème du IXe congrès de l'AMP », par Jacques-Alain Miller

« Il s'agit de laisser derrière nous le xxe siècle ; de le laisser derrière nous pour renouveler notre pratique dans le monde, lui-même suffisamment restructuré par deux facteurs historiques, deux discours : le discours de la science et le discours du capitalisme. Ce sont les deux discours prévalents de la modernité qui, depuis le début, depuis l'apparition de chacun d'eux, ont commencé à détruire la structure traditionnelle de l'expérience humaine. La domination combinée des deux discours, chacun appuyant l'autre, a augmenté à un point tel qu'elle a réussi à détruire, et peut-être à rompre, jusqu'aux fondements les plus profonds de ladite tradition. »

« anormalité », par Clotilde Leguil

AU XXIème siècle, quel sens donner à l'aspiration à la normalité qui fait retour dans notre société, y compris chez ceux qui pourraient incarner la transgression, la révolte, l'invention d'autre chose ? André Gide déjà « voulait que l'homosexualité fût normale ». Les homosexuels du XXIème siècle revendiquent eux aussi le droit de se marier, d'adopter des enfants, en somme de vivre normalement. […] Si l'anormalité au XXIème siècle est en passe de devenir la norme, c'est en réalité que […] chacun revendique une reconnaissance de son mode de jouir comme légal et légitime. […] La psychanalyse n'invite pas le parlêtre à vouloir dissoudre son anormalité dans une revendication communautaire de son droit à la jouissance. Elle conduit le sujet à saisir qu'en noyant sa singularité dans un discours pour-tous, aussi avant-gardiste soit-il, il passe à côté de la logique propre à son existence. »

« bio-écolo » par Anaëlle Lebovits-Quenehen

« Il est probable que nous ne sortirons la Terre du pétrin où elle est, que par davantage de technologies capables d'endiguer les effets passés de technologies polluantes. Il est probable encore que les recherches scientifiques qui permettront ces progrès seront financés par un système économique capitaliste — jusqu'à nouvel ordre en tout cas. Mais la volonté de ce retour à la Nature dit plus qu'un refus du progrès. Elle atteste un refus du monde contemporain et de son intraitable réel. Un retour total à la nature nous débarrasserait bien du capitalisme, de la science et des technologies polluantes qu'ils ont, entres autres, engendrées. Sans ces discours, le réel obscène auquel nos contemporains ont affaire disparaîtrait lui aussi. Mais l'état de nature reste mythe qu'on ne réaliserait qu'à se débarrasser des hommes avant d'en finir avec leurs appareils de jouissance. »

« racisme (un fil argentin) », par Manuel Zlotnik

« Celui qui détient toujours plus de gadgets et d'objets technologiques, fournis par les progrès illimités de la science combinés à l'essor du capitalisme, se pavane dans l'illusion que rien ne lui est impossible. Seule ombre : la menace que celui qui est ségrégué, exclu de la société de consommation et du marché du travail, ne lui soustraie son objet. […] Le riche participe à la ségrégation du pauvre au moyen du fantasme qu'il veut s'en prendre à ses objets de jouissance. »

Scilicet. Un réel pour le XXIe siècle.
Une publication de l'École de la Cause freudienne - Collection rue Huysmans.
Création visuelle : Pablo Reinoso
Visuel et texte de 4e de couverture

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