Jeff Mills, DJ pionner du mouvement techno-music mit en transe des milliers de personnes dans ce qui s'appellera plus tard les raves parties. Musique répétitive, saccadée, rapide, aux sons électro-industriels puissants avec des basses profondes qui résonnent dans le corps et des nappes mélodiques, enveloppantes, qui vous isolent de tout. Associée à un jeu de lumière stroboscopique et à une projection d'images psychédéliques, l'ensemble provoquait une atmosphère unique : hors temps, hors sens, corps jouissant et absence radicale de l'Autre.

Vingt ans plus tard, Jeff Mills n'a rien perdu de sa superbe mais sa création artistique a évolué. Il est passé à la musique contemporaine, qui peut être hors sens elle aussi. Il a notamment composé « Where Light Ends », inspiré par le premier vol spatial de la navette Endeavour. La bande sonore, en quatre actes, se réfère aux différentes étapes du processus : préparatifs de lancement, décollage, observations et expériences lors du vol spatial puis retour sur Terre. La magie s'exerce à nouveau : c'est un traitement du réel de l'espace-temps dans son infinité, sans image, sans mot, juste avec du son. À nouveau, cela touche un bout de réel – on le sent car le corps vivant est affecté : frissons, accélération cardiaque et envie de pleurer.

« L'obscurité de l'espace est l'endroit où la lumière du soleil se termine », dit Jeff Mills et c'est là qu'il a choisi de nous emmener, loin de tout mais proche du réel hors sens.

Damien Botté
ACF-VLB, Saint-Brieuc